Oublier Gabriel c’est choisir de se rappeler. Se souvenir de cette période si particulière de l’adolescence avec ce qu’elle contient d’ambivalent : la force exponentielle indissociable de la violence des sentiments. Les premiers émois si puissants, le désir d’appartenance à un groupe et toutes les thématiques liées à ce dernier : l’effet de masse, le harcèlement, le racisme, la bêtise, la cruauté. L’auteur réussit comme le dirait Leïla Slimani : « à écrire à hauteur de ses personnages.» En effet, nous ne nous mettons pas dans la peau d’adolescents, mais revivons bel et bien cette temporalité avec eux. La subtilité des ressentis contraste avec la brutalité des faits ou des relations amoureuses idéalisées. La trame haletante nous mène jusqu’au bout du livre sans effort sur un rythme délicieusement saccadé. La plume se caractérise par la délicatesse de la description des émotions mises en contexte. Même si l’ouvrage se défend de se fondre dans le genre de l’autobiographie, il pourrait surfer sur le trend de l’autofiction presque de l’auto sociobiographie façon Ernaux, nous proposant de faire renaître une époque, une région et ses coutumes, au travers de musiques, de particularités langagières, de médias ou encore d’évènements culturels typiques. Les années nonante dans une Riviera pas si lisse ressuscitent grâce aux personnages de Louise et de sa bande. Un exercice de mémoire qui apaise les maux du post-traumatique et met en abyme la double fonction de l’écriture : entre déconstruction et réparation.

